Le jour s'éveillait gris, l'atmosphère était sombre...
Paris silencieux restait plongé dans l'ombre ;
A peine voyait-on sous leurs manteaux fourrés,
Se rendant "au marché" quelques valets pressés,
Un vent dur, glacial, une forte gelée
Tels étaient pour le moins les débuts de l'année...
Or, donc, ce matin là, Talis s’étant levé,
Torturé par la faim et son œil accablé,
Tandis qu'un lampion de sa flamme blafarde
Éclairant avec peine un coin de la mansarde
Contemplait sans arrêt un tout petit garçon
Qui dormait, là tout près, couché sur un haillon..
Il n'avait plus de pain et pour tout apanage
Avait vu s’amener le sinistre chômage ;
Malgré sa volonté, ses talents d'ouvrier
Il avait, certain jour, dû quitter l'atelier
Et n'ayant aujourd'hui plus un sou dans sa bourse
Se voyait dans Paris tout seul et sans ressource,
Il songeait méditant dans son esprit troublé
Sur l'horreur du présent, sur son bonheur passé,
Sur ses rêves d'hier, quand près de son Adèle
Il goûtait les bontés d'une épouse fidèle.
Mais la mort poursuivant sont infâme labeur
En passant au foyer avait brisé son coeur.
- Est-ce vrai, disait-il dans sa douleur amère,
Mon cher petit Lucien, que tu n'as plus de mère ?
Mon Dieu qu'ai je fait pour que soudain sous mes pas
Sur le seuil du bonheur, je trouve le trépas ?
Et l'homme maudissait l’horrible destinée
Quand l'enfant s’éveillant lui cria : "BONNE ANNÉE",
Viens près de moi Papa, viens je veux t'embrasser ;
Et son bras s'étendant envoyait un baiser...
Le geste du bambin fit tressaillir le père
Qui sourit aussitôt oubliant sa misère
Et sentant dans son coeur un espoir renaissant :
-Merci, mon Dieu, fit-il ; ce regard caressant
A fait par ta bonté dans mon âme contrainte
Revivre de l'espoir la flamme presque éteinte !
Et soulevant son fils d'un geste plein d'amour
De ses baisers ardents le couvrit à son tour.