Ci-dessous, un très bel article rédigé par Nicole YAN, dans le magazine coiffure de référence "BIBLOND", le 3 février 2017.
C’est un autre temps qu’évoque avec nostalgie Patrick Mouynet, très attaché aux valeurs familiales.
« Je me souviens de tout ce système qui gravitait autour de moi, au rythme des fêtes religieuses, des vendanges et des moissons.
Le cliquetis du rideau en bambou que mon grand-père installait l’été, tandis que le bal de la Saint-Laurent se tenait sur la place du village de Saint-Jory.
Les dimanches en bord de Garonne, quand mon père partait à vélo pour assurer les clients âgés ou malades à domicile.
L’immense miroir où plusieurs générations se sont mirées et derrière lequel mon grand-père cachait des revues de femmes dénudées. »
Son rêve à l’époque ?
« S’arracher », se libérer du pensionnat pour faire son apprentissage de coiffure auprès des hommes de la famille.
« Nos aïeux, agriculteurs, ont connu les guerres et les crises. Mon grand-père, à 14 ans, assurait l’exploitation agricole et le salon. » Pas de doute : la coiffure était une vocation. « J’ai grandi dans le salon, lieu de rendez-vous dominical où les clients venaient se faire raser après la messe. »
Rester à la page :
Aujourd’hui, l’entreprise familiale demeure portée par son fils, Romain, 35 ans, représentant de la 5e génération, tout comme son frère, emporté trop tôt par la maladie.
« Notre arrière-arrière-grand-père a fondé ce salon pour homme en 1903. »
Devenue mixte en 1989, l’adresse a su évoluer au gré des nouvelles techniques et des nouveaux produits.
Au fil des décennies, chaque nouvelle génération a travaillé avec l’ancienne, apportant un souffle nouveau pour rester à la page.
«J’ai des photos de mon grand-père ou mon arrière-grand-père en blouse, pantoufles et béret dans le salon »,
s’amuse Romain, expert-coiffeur national et international de Worldskills France (Comité français des Olympiades des métiers).
Sous son impulsion, le temple familial ne dément pas son succès. Il faut dire qu’il a su se mettre au défi pour exceller dans son domaine.
« J’ai participé à des concours avec la Fédération, comme le Championnat de France, d’Europe ou du monde. » Mais pas seulement ! « Il faut toujours se remettre en question pour évoluer. Je fais des stages pour voir ce qu’il se passe ailleurs. J’apprends avec des personnalités comme Stéphane Amaru. »
Aujourd’hui, deux clients sont témoins de cette saga familiale. « Ils ont connu les cinq générations et toutes les époques du salon », souligne Romain.
Dialogue, écoute… et liberté !
Tandis que le plus jeune prône l’écoute et le dialogue comme clés du succès, l’aîné insiste sur la notion de liberté à donner à la nouvelle génération pour se moderniser. Travailler dans l’enseigne familiale était une évidence pour Romain.
« J’ai toujours entendu mon père valoriser son métier. J’en avais une image positive. »
S’il est à la retraite depuis 2010, Patrick reste animé par sa passion.
« Je forme des salons aux techniques de rasage et de taille de barbe. Comme nous avons gardé le vieux matériel, je participe aussi à des journées du terroir qui réunissent les métiers anciens. »
Mais chez les Mouynet, la coiffure serait-elle une affaire d’hommes ?
Nos femmes et nos mères ont contribué à la réussite du salon. Elles étaient en arrière-boutique, mais leur rôle était de la plus haute importance. »